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États-Unis : la Cour suprême face à la tentation du pouvoir économique absolu

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La Cour suprême des États-Unis a examiné mercredi un dossier explosif : la légalité des droits de douane imposés cette année par le président Donald Trump à plus de 200 pays. Mais derrière les chiffres et les échanges commerciaux, c’est un autre combat qui se joue : celui du partage du pouvoir entre la Maison-Blanche et le Congrès.



Pour justifier ses tarifs « réciproques », Donald Trump s’est appuyé sur la loi sur les pouvoirs économiques d’urgence internationaux (IEEPA), votée en 1977. Ce texte permet au président d’agir rapidement face à une « menace inhabituelle et extraordinaire ». Or, aucun chef d’État avant lui ne l’avait utilisée pour lever des taxes commerciales.



Ces nouveaux droits de douane censés punir les pays accusés de contribuer indirectement au trafic de fentanyl ont touché le Canada, la Chine, le Mexique et bien d’autres partenaires. Ils ont rapporté près de 89 milliards de dollars au Trésor américain, selon les chiffres officiels d’août.


Mais pour de nombreux juristes, cette mesure dépasse largement l’esprit de la loi « Les droits de douane sont des taxes, et le pouvoir de taxer appartient exclusivement au Congrès », a martelé l’avocat Neal Katyal, représentant un collectif de petites entreprises américaines qui conteste la légalité de ces mesures.



Pendant plus de deux heures, les juges du plus haut tribunal du pays ont multiplié les questions, souvent critiques, à l’égard de l’administration Trump. Même la majorité conservatrice, pourtant acquise à plusieurs de ses précédentes initiatives, a paru hésitante.



« Le moyen utilisé ici consiste à imposer des taxes sur les Américains. Cela a toujours été un pouvoir fondamental du Congrès », a rappelé le juge en chef John Roberts.

La juge Amy Coney Barrett s’est quant à elle étonnée que la mesure englobe autant de pays : « L’Espagne ? La France ? Pourquoi tant de nations seraient-elles soudain une menace pour la sécurité nationale ? »



Cette prudence trahit la crainte d’un précédent dangereux : si la Cour valide ces tarifs, elle ouvrirait la voie à un président pouvant redéfinir seul la politique économique du pays sous prétexte d’urgence.



L’affaire repose sur une question de fond : jusqu’où un président peut-il aller sans l’accord du Congrès ?

Depuis plusieurs années, la Cour suprême invoque la doctrine des grandes questions : toute mesure ayant un impact majeur sur la société ou l’économie doit être explicitement autorisée par le législateur. Elle s’en était déjà servie pour bloquer des programmes de Joe Biden, comme l’annulation de dettes étudiantes.



En appliquant ce principe, la Cour pourrait conclure que Trump a franchi la ligne rouge. À l’inverse, une validation renforcerait le pouvoir exécutif et consoliderait sa capacité à agir unilatéralement sur le plan économique et diplomatique.



Au-delà du droit, les conséquences pourraient être planétaires.

Si les droits de douane étaient invalidés, Washington devrait rembourser des milliards de dollars aux entreprises importatrices. Ce scénario créerait un véritable casse-tête logistique et financier.

Surtout, il enverrait un signal fort : les États-Unis ne peuvent plus agir seuls sur le commerce mondial en dehors du cadre législatif.



Plusieurs analystes estiment que cette affaire pourrait redéfinir la diplomatie économique américaine. « Trump a fait du tarif douanier une arme politique ; la Cour doit maintenant décider si cette arme est légale », résume l’économiste Patrick Heller, de l’Atlantic Council.



La Cour suprême devrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année.

Qu’elle confirme ou annule les tarifs, le verdict fera date : il déterminera non seulement la portée du pouvoir présidentiel, mais aussi la place des États-Unis dans le commerce mondial.

Pour Donald Trump, qui présente cette cause comme « une question de vie ou de mort pour l’Amérique », l’enjeu dépasse la simple politique : il s’agit d’imposer sa vision d’un exécutif fort, capable d’agir sans entraves.




Léna Keïra

 
 
 

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