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Guinée-Bissau : un coup d’État qui met à nu une démocratie fragilisée

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La Guinée-Bissau s’est retrouvée mercredi plongée dans une nouvelle crise majeure, après que des militaires ont annoncé avoir pris « le contrôle total du pays », arrêté le président sortant Umaro Sissoco Embaló et suspendu l’ensemble du processus électoral en cours.

Un épisode qui relance les interrogations sur la stabilité politique de ce petit État d’Afrique de l’Ouest, régulièrement traversé par les putschs et les tensions au sommet.



Les événements se sont déroulés alors que la population attendait les résultats de la présidentielle et des législatives organisées trois jours plus tôt.

Dans la matinée, des tirs nourris ont été entendus près du palais présidentiel à Bissau. Des soldats, armes au poing, se sont ensuite positionnés sur les grands axes menant au siège de la présidence.



Quelques heures plus tard, le général Denis N’Canha, figure influente de l’appareil militaire, s’est présenté devant la presse pour annoncer la création d’un « Haut commandement pour la restauration de l’ordre ». Cette instance regroupe, selon lui, les différentes branches de l’armée et « dirigera le pays jusqu’à nouvel ordre ».



Le président Embaló a été arrêté et conduit à l’état-major, tout comme d’autres hauts responsables, dont le chef d’état-major général et le ministre de l’Intérieur.



Pour justifier leur action, les putschistes affirment avoir déjoué un « plan de déstabilisation » impliquant des réseaux liés au narcotrafic.

Selon le général N’Canha, des armes auraient été introduites dans le pays pour modifier « l’ordre constitutionnel ». Le trafic de drogue, très présent en Guinée-Bissau depuis deux décennies, sert une nouvelle fois de toile de fond à la lutte pour le pouvoir.


Le discours ne convainc toutefois pas tous les observateurs. Certains responsables de l’opposition estiment que l’armée serait intervenue pour influencer le résultat du scrutin, alors que le camp d’Embalo et celui de l’opposant Fernando Dias de Costa revendiquaient déjà chacun la victoire avant même la publication des chiffres officiels.



Frontières fermées et couvre-feu : un pays figé


Dans la foulée, l’armée a décrété :


la suspension immédiate de toutes les opérations électorales,


la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes,


l’instauration d’un couvre-feu obligatoire.



À la tombée de la nuit, Bissau s’est vidée.

Les principaux carrefours étaient contrôlés par les militaires, tandis que de nombreuses familles cherchaient à se mettre à l’abri face à l’incertitude.



Depuis 1974, date de son indépendance, la Guinée-Bissau a connu :


4 coups d’État réussis,


17 tentatives de putsch,


et une instabilité gouvernementale quasi permanente.



Le scrutin de dimanche devait justement ouvrir une nouvelle phase, avec l’espoir d’un fonctionnement institutionnel plus apaisé.

Ce coup de force militaire, intervenant au moment le plus sensible du processus, rappelle à quel point les organes politiques et sécuritaires du pays demeurent vulnérables aux rivalités internes.



Ce putsch survient dans un contexte où plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest Mali, Burkina Faso, Niger ont déjà basculé entre les mains de militaires ces dernières années.

La CEDEAO et l’Union africaine ont rapidement exprimé leur préoccupation, demandant le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la libération immédiate du président.


La communauté internationale observe désormais de près la situation, craignant une nouvelle rupture du processus démocratique dans une région déjà fragilisée.



En suspendant le processus électoral et en prenant la tête de l’État, les militaires plongent la Guinée-Bissau dans une période d’incertitude.

Aucune feuille de route n’a été annoncée concernant la reprise des élections ou la formation d’un gouvernement de transition.



Pour de nombreux citoyens, épuisés par des décennies de crises à répétition, une seule question demeure : la Guinée-Bissau pourra-t-elle un jour briser le cycle des putschs et consolider enfin sa vie démocratique ?





Léna Keïra

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