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Cameroun : la victoire de Paul Biya, entre continuité du pouvoir et épuisement national


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Réélu pour un huitième mandat consécutif avec 53,66 % des voix, Paul Biya, 92 ans, continue de défier le temps et les pronostics. Mais derrière cette victoire annoncée, le Cameroun affiche un visage fatigué, celui d’un pays en quête de souffle face à un régime qui n’a cessé de se prolonger depuis plus de quatre décennies.


Le scrutin du 12 octobre, marqué par une participation inférieure à 50 %, traduit plus qu’un simple désintérêt : il révèle une profonde désillusion politique. Beaucoup de Camerounais ne croient plus à la possibilité d’un changement par les urnes.

« Les résultats étaient connus d’avance », murmure un enseignant à Yaoundé. « On ne vote plus pour choisir, on vote pour exister. »



Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, est aujourd’hui le plus vieux chef d’État en exercice au monde. Sa longévité fascine certains, inquiète d’autres.

Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de 30 ans, le contraste est saisissant. Cette génération née sous son règne aspire à autre chose : plus d’ouverture, de transparence, d’opportunités.


Mais les réformes tardent, et les promesses s’épuisent. L’emploi des jeunes reste un défi majeur, tout comme la crise anglophone qui, depuis 2016, mine la cohésion nationale.

« Nous sommes fatigués d’attendre », soupire une étudiante rencontrée à Douala. « Nos parents ont connu Biya jeune, et nous, on le voit toujours au pouvoir. »



L’annonce des résultats n’a pas apaisé les esprits. L’opposant Issa Tchiroma Bakary, arrivé deuxième avec 35,19 %, revendique la victoire et dénonce un scrutin « tronqué ».

Ses partisans ont tenté d’organiser des marches pacifiques, rapidement dispersées. Quatre morts ont été recensés à Douala. Depuis, les forces de sécurité quadrillent les grandes villes. Les rues se vident, les boutiques ferment, et le silence s’installe, lourd.


Le pouvoir met en avant la « stabilité », mais cette stabilité s’apparente de plus en plus à une immobilité forcée.



Depuis plus de quarante ans, Paul Biya a survécu à tout : crises économiques, contestations, guerres internes. Sa méthode patience, contrôle et distance lui a permis de durer.

Mais cette longévité a aussi créé un système verrouillé, où les institutions obéissent plus qu’elles ne débattent, et où l’avenir politique du pays semble suspendu à un seul homme.


Les analystes évoquent désormais une « fin de cycle sans relève ». Aucun successeur crédible n’émerge au sein du régime, et l’opposition reste morcelée.

« Le Cameroun vit une fatigue démocratique », estime un politologue à Douala. « Ce n’est pas seulement le président qui vieillit, c’est tout un modèle politique. »



La victoire de Paul Biya ne surprend plus personne. Mais chaque nouveau mandat soulève la même question : quelle place pour l’avenir dans un système tourné vers le passé ?

Entre résignation et colère, le Cameroun semble figé, à la recherche d’un souffle collectif qui tarde à venir.


« Nous ne voulons pas d’un choc, mais d’un changement », confie un prêtre de Yaoundé.

Une phrase qui résume l’état d’esprit d’un pays épuisé, mais pas encore résigné.





Léna Keïra

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